Je perds la mémoire à court terme, j'oublie les prénoms, je cherche mes mots et mes facultés de raisonnement ainsi que d'abstraction
s'en vont en lambeaux.
Je me rends compte seulement maintenant, au bout de trois ans, que je n'ai pas fini mon deuil. Seulement maintenant je me rends
compte que je suis simplement seul. Seulement maintenant je m'aperçois que je ne serais décidément jamais assez fort pour supporter
cette solitude.
J'ai rompu la promesse que je m'étais faite à moi-même de ne jamais plus compter sur les autres. Je suis faible et je me suis remis à envoyer des SOS, des bouteilles, qui se sont perdus dans le néant, dans le silence. Je pleurniche, je me plains, je me dégoûte.
Je suis sous la cloche de verre de Sylvia Plath. Mais la mienne est en option "vitres teintées". Les gens passent à côté et ne me voient pas, sauf quand ils ont quelque chose à me demander.
Ce verre-ci ne laisse pas passer les hurlements.
Tout devient tellement difficile, pénible, insurmontable, parfois.
Hier, j'ai imploré mon père de revenir me chercher. Il n'a pas entendu. Ma foi se corrode, mes croyances s'effritent, alors, que, dans les pires moments, ce sont les seules ancres du néant auxquelles je puisse m'amarrer. Si il n'y a que le néant, je suis vraiment perdu; rien ne subsistera.
J'ai mal.
Mais j'ai aussi fait du mal autour de moi; parfois sans le savoir ou sans m'en rendre compte.
Je ne dis pas cela pour atténuer mes fautes.
J'aimerais pouvoir réparer, mais la seule option possible est l'expiation.
Il est trop tard pour se racheter.
Je vis déjà dans mon purgatoire personnel. Justice est faite.